Dans l’esprit du plus grand nombre, exercer la profession d’avocat signifie percevoir des revenus particulièrement importants et jouir du train de vie qui va avec.
La réalité est malheureusement bien plus subtile que celle-là et la conjoncture de ces dernières années a montré qu’un certain nombre d’avocats, s’ils ne mettaient pas définitivement fin à leur activité, peinaient à se dégager des revenus supérieurs au SMIC.
La profession est bien évidemment faite de gros cabinets d’avocats dont les membres parviennent à gagner très confortablement leur vie. Ce schéma est bien moins évident pour des avocats exerçant de manière individuelle ou en toute petite structure.
Dès le début de son activité et afin de tenter de l’exercer de manière pérenne, il convient d’être très rigoureux dans la gestion de sa trésorerie et de sa comptabilité.
Pour commencer, mon premier conseil est de procéder à l’ouverture d’un compte bancaire dédié à son activité professionnelle. Il est absolument impératif de séparer son budget personnel de son budget professionnel.
Ainsi, tous les honoraires encaissés le seront sur le compte professionnel duquel seront fait des virements vers le compte personnel. C’est en tout cas de cette façon que je fonctionne depuis 10 ans afin de tenir une comptabilité organisée.
Pour ce qui est du montant des virements que l’on peut réaliser chaque mois sur son compte personnel, j’ai toujours gardé en tête une règle enseignée à l’école d’avocat selon laquelle il est possible de s’accorder une rémunération d’environ 50% des sommes encaissées hors taxes, les sommes restantes étant dédiées au paiement des charges du cabinet.
A mon sens, cette règle constitue une bonne base pour démarrer son activité. En effet quand on est jeune avocat et qu’on perçoit ses premières rétrocessions ou ses premiers honoraires, la tentation est grande de dépenser tout cet argent comme s’il constituait effectivement un bénéfice net. Mais cela serait bien vite oublier les nombreuses charges qui doivent être assumées par les avocats que sont notamment : URSSAF, CNBF, cotisations ordinales etc...
Cette règle reste valable les deux ou trois premières années d’exercice où les charges sont assez réduites. Néanmoins, Il faut contrôler assez régulièrement l’évolution du montant de celles-ci afin de vérifier que l’on reste dans cette « fourchette » des 50%.
Après plusieurs années d’exercice, il m’apparait désormais préférable de procéder différemment à savoir établir un tableau récapitulatif de l’intégralité des charges comprenant les charges sociales mais également l’ensemble des frais annexes tels que les frais de repas/restaurant, les frais de voiture (essence, leasing, entretien, assurance etc.), les frais de téléphone, de logiciel de cabinet, de mutuelle, de prévoyance etc.
Il faut ensuite tenter de déterminer la somme minimale que l’on souhaite se verser afin de faire face à ses charges personnelles.
Le cumul de ces deux montants constitue le montant des honoraires qu’il convient impérativement d’encaisser tous les mois.
Cette méthode est la mienne mais une multitude de solutions peuvent être envisagées afin d’établir une sorte de business plan et parvenir chaque mois à payer ses charges professionnelles et s’assurer un revenu suffisant.
Pour faciliter cette gestion, j’ai pour ma part opté pour une mensualisation de l’ensemble de mes charges. Cette solution me parait plus lisible pour gérer une comptabilité mensuelle. On peut néanmoins garder en tête que la plupart des organismes sociaux proposent également un paiement au trimestre.
En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, il faut comprendre la différence entre le chiffre d’affaires et le bénéfice. Le premier est composé de l’addition de l’ensemble des sommes encaissées hors taxes. Le bénéfice est le résultat de ce chiffre d’affaires duquel on a déduit le montant d’un certain nombre de charges (une partie des charges sociales, une partie des dépenses de repas, les frais relatifs à la voiture etc…). C’est ce bénéfice qui est ensuite déclaré aux impôts et sur la base duquel sera calculé le montant de l’imposition.
C’est également sur la base de ce bénéfice que sera calculé le montant des charges sociales. Il convient à ce sujet de garder en mémoire que pendant tout le premier semestre de l’année, les charges sociales payées ne constituent que des provisions, les sommes définitives n’étant calculées qu’après les déclarations fiscales du mois de mai : les fameuses et souvent terribles régularisations de charges du mois de mai !
Tout le monde l’aura compris, l’idée est donc de diminuer au maximum le montant de ce bénéfice afin de limiter son taux d’imposition. Pour cela il convient de bien connaitre et maitriser les charges qui peuvent être déduites du chiffre d’affaires. Sur ce point, il ne faut pas hésiter à se faire conseiller par un comptable et/ou un conseiller en patrimoine. En tant que profession libérale, on peut notamment déduire des contrats de mutuelle, de prévoyance et de retraite complémentaire. Il peut être intéressant de souscrire ce type de contrat afin d’une part de se constituer une épargne et prévoir les difficultés de la vie (notamment lorsque l’on est une femme et que les grossesses sont parfois difficiles) et d’autre part de diminuer son bénéfice.
Dans la même optique de limiter son bénéfice et donc les charges qui vont en découler, il est à mon sens intéressant de tenter d’avoir une vision annuelle globale de l’évolution de sa facturation. Cela permet, sur les derniers mois de l’année, de décaler quelques factures afin de ne pas dépasser l’objectif de chiffre fixé. Cette solution peut assez facilement être mise en œuvre lorsque l’origine des honoraires que l’on perçoit est mixte à savoir des clients en direct pour une partie et l’aide juridictionnelle pour l’autre.
Il en effet assez simple de décaler les paiements perçus au titre de l’aide juridictionnelle afin de compléter les mois où les honoraires en direct n’ont pas été suffisants ou si au contraire ils ont été trop importants et qu’il est préférable de solliciter leur versement sur l’exercice suivant.
Les logiciels métiers sont assez pratiques pour avoir une vision mensuelle et annuelle de son chiffre, de l’état de ses encaissements, du montant de ses impayés et ainsi tenir ses objectifs.
En toute circonstance il ne faut jamais oublier, pour toute opération comptable, de raisonner en termes de montant hors taxes. En effet et à partir du moment où l’avocat est assujetti à la TVA, les honoraires facturés aux clients ainsi que les sommes perçus au titre de l’aide juridictionnelle le sont TTC. Or, la TVA d’un montant de 20% devra être remboursée mensuellement ou de manière semestrielle. L’avocat ne sert finalement que de collecteur d’une taxe qu’il devra reverser aux impôts. Le risque est de dépenser l’intégralité des sommes encaissées et de ne pas être en mesure de réaliser son versement de TVA le moment venu.
En ce qui me concerne et afin d’éviter toute difficulté, j’ai ouvert un compte dédié sur lequel je place toutes les sommes collectées au titre de la TVA que je reverse en juillet, décembre et mai pour la régularisation.
La maitrise de sa trésorerie est une petite gymnastique à laquelle il faut s’astreindre dès le début de son activité. Une fois les réflexes et les bons mécanismes mis en place, les charges obligatoires pourront être régulièrement payées et l’avocat pourra se rémunérer de manière convenable. Il ne faut pas hésiter, le cas échéant, à se faire aider par un comptable et se doter d’outils tels que les logiciels métiers.
Pour conclure, nous pouvons nous livrer à un petit cas pratique :
Pour un avocat collaborateur sans frais de loyer qui souhaite se verser chaque mois à titre personnel une somme de 2 500 €, il convient d’anticiper les paiements suivants
Soit un total de 3 360 € de charges fixes auxquels on ajoute les 2 500 € de versement souhaités soit un total de 5 860.
Avec une rétrocession estimée à 3 800 €, il restera 2 060 € à encaisser à titre personnel (règlements de factures, aide juridictionnelle).
Justine Bachelet - Avocate au Barreau de Versailles