Il y a cinq ans encore, aborder le sujet de l’Intelligence Artificielle (IA) pour le métier d’avocat permettait de laisser libre cours à tous les fantasmes sur les avocats-robots, la justice ramenée à des combinaisons d’algorithmes et autres concepts relevant surtout de la science-fiction. De plus, les systèmes d’intelligence artificielle des années 2016-2020 étaient plus des outils d’analyse statistique puissants que de vrais logiciels IA.
En 2022, alors que les avocats sont face à une explosion de la performance des outils, la problématique ne se pose plus dans les mêmes termes et le débat philosophique n’est plus l’essentiel du sujet. Depuis le logiciel ROSS mis au point par IBM capable d’effectuer de la recherche et de l’analyse sur la jurisprudence, la technologie s’est appropriée de nouveaux champs du droit.
Il est clair désormais qu’il ne s’agit plus d’essayer d’appréhender ces outils afin de savoir les utiliser pour ne pas subir la révolution digitale, mais plutôt d’en tirer parti pour en faire des vecteurs de croissance.
A une époque où la profession est de plus en plus concurrencée et doit faire face à une inflation législative, l’IA peut être un outil pour rénover l’exercice du métier et amplifier le service au client.
L'Intelligence Artificielle (IA) consiste à « mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d'imiter une forme d'intelligence réelle ». Si on doit cette notion au mathématicien Alan Turing qui dans les années 1950 avait travaillé sur l’idée d’apporter aux machines une forme d’intelligence, le terme a été inventé par le chercheur américain John McCarthy en 1956. Aujourd’hui, l'IA se retrouve implémentée dans un nombre grandissant de domaines d’application.
Dans les faits, l’IA consiste en un ensemble de méthodes permettant de simuler ou reproduire un scénario grâce à des algorithmes qui reproduisent numériquement, par simulation sur ordinateur, ledit scenario. Pour cela, il faut l’utilisation combinée de plusieurs techniques telles que le Big data, le machine learning ainsi que le NPL (natural language processing) - le traitement du langage naturel qui permet au système informatique grâce à des approches syntaxiques, d’analyser le sens d’une phrase - voire d’autres systèmes, qui permettent de traiter les données juridiques. Dans tous les cas les données, qui permettent l’apprentissage puis de créer les éléments d’analyse et de comparaison, restent plus importantes que les systèmes logiciels.
C’est donc avant tout un outil sophistiqué certes, mais un simple outil de traitement de l’information qui permet de réaliser une tâche de recherche ou de déduction en temps record comparé à un humain.
Développés par les Legaltech, les systèmes d’Intelligence Artificielle concernent de plus en plus de domaines du droit. L’IA est un formidable outil pour faire gagner du temps à l’avocat et ses collaborateurs dans plusieurs tâches très chronophages et dont la facturation est souvent difficile à justifier au client. L’IA va donc permettre de :
Grâce à l’IA, l’avocat une fois rentrés ses critères de recherche peut accéder directement à la motivation des juges et apprécier en quelques minutes, voire en quelques secondes, l’apport jurisprudentiel d’une décision sans avoir à lire tous les attendus : les algorithmes font l’extraction des éléments nouveaux et importants. De la même façon le moteur de recherche permet d’effectuer des comparaisons avec d’autres décisions ou jugement, d’autres contrats etc. L’information clé devient accessible en temps réel. D’ailleurs en 2018 un test de rapidité a été organisé entre le logiciel LawGeex AI et vingt juristes chevronnés en droit des affaires afin d’analyser cinq contrats de confidentialité : il a fallu 26 secondes au logiciel pour les détecter contre 1h32 pour les avocats des plus grands cabinets américains.
En pleine expansion, l’IA couvre de plus en plus de domaines mais le droit des affaires et le droit commercial sont aujourd’hui plus concernés par exemple que le droit de la famille. Il ne faut pas perdre de vue non plus que l’intérêt de l’IA sera fonction des tâches qu’il permet d’automatiser et de la qualité des données à traiter. En effet, la valeur créée par l’Intelligence Artificielle provient des données nécessaires à l’apprentissage du système plus que de l’algorithme. La qualité des données reste la pierre angulaire pour optimiser ce système d’analyse automatisé.
Les systèmes permettent de personnaliser les résultats de la recherche en fonction bien sûr des critères donnés, mais également en fonction du profil de l’utilisateur et des recherches qu’il a déjà effectuées, des résultats visualisés etc. Cela permet de retrouver en quelques instants un contrat, une décision, de comparer et d’analyser.
Adossé au cloud et au Big Data, l’IA est en mesure de comparer les clauses d’un contrat, de valider ses dates d’effet, de créer une fiche synthétique des éléments essentiels. Et surtout, en comparant avec l’état du droit, de déterminer la validité des contrats en fonction du corpus législatif et jurisprudentiel.
Les algorithmes permettent de trouver dans la jurisprudence la plus récente un attendu qui peut aider à la construction d’un argumentaire et en faire découler des décisions reprenant les mêmes motifs. L’IA permet d’optimiser la veille juridique et d’aider à la performance.
Une fois les éléments digitalisés, l’IA permet de classifier les documents voire d’effectuer la saisie automatique de la base contractuelle selon le type de contrats, d’en vérifier la validité et la régularité, de gérer des actions s’y afférant (convocation AG etc.), ainsi que la génération automatisée de documents (dépôt d’actes). Et d’en dégager des éléments statistiques.
La prochaine étape du déploiement de l’Intelligence Artificielle dans les cabinets d’avocats va concerner deux principaux domaines :
Les chatbots juridiques existent déjà. Mais leur efficacité est encore assez réduite. Grace au Machine Learning et au NLP, les technologies permettront de générer la prise en charge des réponses aux questions récurrentes des clients via un système de chatbot ou en répondant directement à certaines demandes par mails des clients.
Terme de tous les fantasmes, la justice prédictive n’est pas pour demain. Même si la loi Lemaire pour une République numérique du 7.10.2016* va accélérer la numérisation et l’open data des décisions judiciaires des différents tribunaux civils et administratifs, prétendre que l’on pourra demain anticiper la décision d’un tribunal ou d’un juge relève de l’escroquerie intellectuelle. Compte-tenu des particularités du droit français, du principe d’anonymisation des données, ce n’est pas possible. En revanche, l’IA peut être d’un apport intéressant pour dégager des éléments statistiques sur le calcul d’indemnités à verser et/ou demander, comparer des décisions selon la localisation d’un tribunal ou sa spécialisation, le type de solution le plus efficace (jugement, conciliation etc.). Et être avec pertinence un outil d’aide à l’analyse à partir d’une décision en suggérant des décisions similaires.
Source de l'article :
• Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique https://bit.ly/3PB07Re
1- Les logiciels IA ont énormément évolué ces 5 dernières années ;
2- Les avantages sont désormais clairement identifiés dans les domaines de veille, de classement et de saisie ;
3- La valeur créée par l’Intelligence Artificielle provient des données ;
4- L’IA a encore de fortes perspectives de développement au sein du métier d’avocat ;
5- Les logiciels IA permettent de recentrer l’avocat sur sa valeur ajoutée : l’analyse et le conseil.
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