Le déploiement de la facturation électronique au sein de cabinets d'avocats
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# Facturation
10 min

Conformer nos cabinets d’avocats à la facturation électronique : frein ou aubaine ?

19/3/2025
20/3/2025
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Sommaire
Aujourd'hui, c'est Emmeline Bocherel, avocate au barreau de Nantes et fondatrice du cabinet Tax Suits You, qui prend la plume pour vous parler de la facturation électronique, qui deviendra obligatoire pour tous dès 2027 : qu'est-ce que la facturation électronique, qu'implique-t-elle pour la profession d'avocats et comment Emmeline Bocherel a transformé cette nouvelle obligation en opportunité de développement pour sa structure.

La facturation électronique, composée des modules de e-facturation et de e-reporting, a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Son entrée en vigueur, qui avait déjà été repoussée en juillet 2024, a été reprécisée : en 2027, tout le monde devra s'y conformer !

Pourquoi s’y intéresser dès maintenant, me direz-vous ?

D’abord, parce que cette réforme pose des questions qu’il peut être intéressant d’anticiper bien en amont de sa mise en pratique.

Ensuite parce que cette réforme peut devenir une véritable opportunité pour nos cabinets, voir une urgence face aux difficultés de recrutement de nos personnels administratifs et l’évolution grandissante des pratiques dans le secteur.

Je vous propose aujourd’hui de faire un petit état des lieux de ce qu’implique (et impliquera) cette réforme dans nos quotidiens d’avocats, l’aubaine que l’on peut en tirer (et dont nous en avons déjà tiré les fruits au cabinet), mais également les vrais questionnements qui se posent quant à sa mise en place.  

La facturation électronique, qu'est ce que c'est ?

Objectifs de la réforme

Non, la facturation électronique n’a pas pour seul objectif de digitaliser la facturation de nos cabinets d'avocats, non plus de la rendre inviolable.

L’objectif de cette réforme européenne est en réalité purement fiscal : gagner un temps précieux en récupérant automatiquement l’intégralité des factures émises pour limiter voir empêcher la fraude à la TVA. En contraignant les entreprises à transmettre leurs factures sur une plateforme dématérialisée, et en soumettant les plateformes d’édition de factures à ces règles, les différentes administrations fiscales européennes pourront ainsi plus aisément contrôler la TVA collectée et payée sur leurs territoires et entre les territoires.  

Bien sûr, d’autres atouts sont évoqués par l’administration fiscale : améliorer la trésorerie des entreprises, faciliter la gestion de nos déclarations de TVA, etc. Mais l’objectif premier reste d’améliorer le contrôle et le suivi des déclarations et le reversement de TVA en interne.

Avocats, préparez-vous à la facturation électronique

La facturation électronique, bien plus qu'une simple dématérialisation de vos factures

Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour nos cabinets ?

Pour faire simple, le professionnel ne devra pas simplement« transmettre sa facture dématérialisée », mais bien extraire les données liées à sa facturation, les « traduire » dans un langage accessible au logiciel qui devra les traiter et les transmettre directement à une plateforme mise à sa disposition par les services de l'État (pour la France cela passera par Chorus Pro, plateforme qui existe déjà pour les opérateurs travaillant avec des organismes publics).

Bien plus complexe donc que simplement transmettre une facture sur Chorus Pro…

Les données à transmettre seront différentes tant pour les factures à émettre – lesquelles seront variables selon que l’entreprise est soumise à une obligation. Cette nouvelle réforme a effectivement deux volets : le e-invoicing et de e-reporting – que pour les factures à recevoir.

Dans l’idée, le e-invoicing, à savoir la transmission d’une facture numérique d’après un format spécifique sur Chorus Pro, ne concernera que les opérations internes (franco-françaises) entre opérateurs assujettis à la TVA.

Pour toutes les autres situations, à savoir si vous facturez à un particulier, un professionnel non assujetti ou non soumis à la TVA (association, collectivités, micro-entrepreneurs, etc.), ou établi hors de France,vous serez soumis au e-reporting.

Ainsi, et sauf à ne travailler qu’avec des TPME, ETI, etc.,vous serez également contraint d’effectuer ce que l’on appelle un e-reporting.

C’est le e-reporting qui pourrait possiblement vous demande rle plus d’intervention : en ce cas, l’on vous demandera de transmettre différentes informations susceptibles de retracer l'opération exacte : le montant de la facture et de la TVA facturée, la nature de la prestation réalisée, les coordonnées de votre client, etc.

Petite nouveauté, les obligations liées à la facturation électronique ne concerneront pas uniquement les factures émises, mais également les factures reçues, l’entreprise réceptionnaire de telles factures devant s’assurer de leur conformité aux prescriptions applicables.

Je vous rassure, il est bien sûr prévu que cette transmission automatique (envoi et réception) soit effectuée directement par les logiciels de facturation mis à la disposition des entreprises pour éviter d’alourdir votre charge de travail.

Entrée en vigueur

Quand devrez-vous vous conformer à vos obligations ?

La réception des factures électroniques devient obligatoire à compte du 1er septembre pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. L'obligation d'émettre des factures électroniques interviendra :

  • Le 1er septembre 2026, pour les grandes entreprises et les ETI
  • Le 1er septembre 2027, pour les TPME et les micro-entreprises

Et si on ne respecte pas ces obligations ?

Le non-respect de ces obligations peut entraîner :

  • Pour l’e-invoicing, une amende de 15 € par facture électronique non émise, avec un plafond de 15 000 € par année civile
  • Pour l’e-reporting, une amende de 250 € par transmission de données non effectuée, avec le même plafond de 15 000 € par année civile.

Se conformer à la facturation électronique en tant que cabinet d’avocats

Passer à la facturation électronique sans encombre

Vous êtes libre de choisir entre réaliser votre e-invoicinget e-reporting directement en utilisant la plateforme Chorus Pro, soit de laisser à votre logiciel de facturation le soin de le faire pour vous.

Si vous choisissez la deuxième option, la première chose que vous devrez faire sera de vérifier que votre outil actuel ou l’outil auquel vous pensez souscrire est bien conforme aux nouvelles règles applicables, et plus exactement, s'il a bien obtenu son agrément provisoire en tant que PDP (plateforme de dématérialisation partenaire).

Et attention ici, ne faites pas aveuglément confiance à l’outil « moderne » que l’on vous propose, même s’il est agrémenté d’IA et d’autres petites fonctionnalités qui vous paraissent novatrices.

Mes équipes et moi en avons fait pleinement la découverte : cela fait très longtemps que nous n’émettions plus de factures avec notre logiciel métier, lui préférant l’outil fourni par notre comptable. Sauf que nous nous sommes aperçus que son logiciel n’était pas raccord avec ces nouvelles règles, alors qu’il venait tout juste d’être développé par son Ordre. Nous n’avions aucune certitude sur le fait que cet outil serait finalement compatible dans les délais. Nous avons ainsi décidé de migrer vers un outil d’ores et déjà équipé qui, au passage, nous fait d’ores et déjà gagner un temps précieux (synchronisation avec nos relevés bancaires, récupération automatique des factures de certains de nos fournisseurs pour leur transmission à notre cabinet d’expertise-comptable, etc.).

Il faudra également anticiper cette migration avec vos équipes et avec vos partenaires financiers. Notre expert-comptable ne voulait pas utiliser d’autres outils que le sien ; nous avons donc changé d’expert-comptable.

Vous n’avez pas d’outils ou votre outil n’est pas compatible ? N’hésitez pas à poser la question à votre fournisseur avant toute souscription. Je vous conseille de vérifier que le logiciel que l’on essaye de vous vendre a bien obtenu la certification adéquate et de vous en assurer ! Ils ne sont pas nombreux. Les outils compatibles sont certes plus chers, mais ils vous éviteront de devoir migrer vers un autre outil dans un an si celui souscrit n’arrive pas à obtenir les certifications adéquates.

Vous voulez vérifier que votre outil de facturation a bienobtenu les agréments nécessaires ? Consultez la liste des plateformes de dématérialisation partenaires.

Pas besoin de vérifier, SEPTEO est bien sur la liste !

Et bien sûr, n’oubliez pas de vérifier avec votre cabinet d’expertise-comptable s’il est d’accord pour utiliser ce nouvel outil que vous lui proposer pour éviter de mauvaises surprises !

Et si vous tiriez une opportunité du passage à la facturation électronique ?

Certes, au premier abord, passer de la facturation papier (Word ou Excel) à une facturation exigeant la transmission des données de facturation vers des serveurs dématérialisés peut effrayer, surtout lorsqu’on n’est pas équipé.

Mais la facturation électronique peut toutefois avoir de réels intérêts pour la gestion de nos cabinets, et en voici quelques exemples :

Accélération de la digitalisation de votre facturation et de votre comptabilité

La dématérialisation de votre facturation va, d’une part, contraindre à quitter un fonctionnement à l’ancienne (facturation sous Word et Excel, même "automatisée" grâce à certains outils), mais va également permettre d’être enfin conforme quant à vos obligations en matière de comptabilité informatisée et inviolable. Toutes les factures seront conservées sur un espace sécurisé. Et vous limiterez les erreurs de facturation.

Gain de temps

En quelques clics, vous pourrez émettre une facture et enregistrer dans vos livres vos factures entrantes et sortantes. Les logiciels conformes proposent en général d’intégrer des missions prédéfinies. Vous pourrez ainsi gagner du temps pour vos forfaits, vos missions classiques, etc. Petit bonus pour le futur : les coordonnées de vos clients seront préremplies (et automatiquement mises à jour), tout comme vos déclarations de TVA !

Autre gain de temps ? Vous vous souvenez le temps interminable que vous passiez à récupérer vos factures reçues et les transmettre mensuellement à votre comptable ? La facturation électronique imposant également la récupération et la transmission de factures numériques de vos fournisseurs, vous pourrez donc gagner un temps précieux en permettant à votre comptable de les récupérer automatiquement grâce à la transmission automatique de ces informations via Chorus Pro.

Gain en trésorerie

Notre cabinet en a tiré un réel avantage en matière de trésorerie : grâce à la dématérialisation de nos factures et aux outils mis à notre disposition par notre logiciel comptable, nous facturons plus vite, mieux, pouvons plus vite contrôler nos délais de paiement, et avons mis en place des relances automatiques si les paiements ne sont pas arrivés sur nos comptes. Nous avons pu diminuer drastiquement nos délais de paiement et procédures de recouvrement. Je passe également moins de temps à devoir traiter ma comptabilité, et peut ainsi me concentrer sur le cœur de mon métier. Et demain ? Je sais que j’aurai la possibilité en quelques clics de justifier de mon crédit de TVA sur une période écoulée, sans avoir besoin d’imprimer tous mes justificatifs.

Échanges facilités avec mon comptable

Mon logiciel comptable me permet déjà de récupérer un grand nombre de pièces comptables de manière automatisée (factures fournisseurs, etc.) et de suivre ma trésorerie en temps réel. Avec l’outil de demain, je sais que mon comptable pourra directement récupérer toutes mes factures entrantes et sortantes très facilement ! Il pourra mieux travailler, et moi me concentrer à d’autres tâches qu’à lui transmettre mes justificatifs. N’hésitez pas à en profiter pour solliciter une diminution de sa facture.

Sécurisation de la facturation

La fraude à la facture et au RIB est une véritable plaie pour certains de nos homologues (notamment les notaires, pour lesquels la fraude se chiffre à plusieurs millions). La CARPA mais également de plus en plus de cabinets commencent à y être confrontés. La facturation électronique nous permettra de certifier nos factures et d’éviter à nos clients de recevoir et payer une facture qui n’a pas été émise par nos cabinets, et de notre côté, à éviter de payer des factures au mauvais fournisseur (via la signature électronique et l’apposition d’un cachet électronique certifié). Vos factures seront également moins contestables, un acompte signé électroniquement et certifié à une toute autre valeur qu’un document Word perdu dans les limbes de vos dossiers.

Amélioration de l’impact de votre facturation et de votre relation client

Vos factures seront automatiquement mises à disposition de vos clients entreprises – vous diminuerez ainsi vos impressions, le coût énergétique de l’envoi de vos factures par la Poste, etc. Un premier pas non négligeable vers un cabinet plus neutre écologiquement parlant ! Et votre client de son côté pourra très facilement retrouver ses factures sans avoir besoin de contacter votre secrétariat. Un luxe !

Avocats, préparez-vous à la facturation électronique

Secret professionnel des avocats et facturation électronique

On ne va pas se le cacher, j’ai été initialement surprise de découvrir que nos instances ne s'étaient pas saisies immédiatement d’une difficulté réelle : la transmission automatique de nos factures et des données de nos clients d’une part, et du détail de nos diligences d’autre part, ne contrevient-elle pas à certaines règles légales ?

Si l’aspect RGPD peut aisément être justifié par un intérêt légitime (l’obligation de transmettre les données de facturation à l’administration fiscale), une vraie question peut se poser quant au secret professionnel.

Des négociations ont été ouvertes en 2024 par le CNB avec les autorités administratives et fiscales pour obtenir un allégement des obligations de transmission des avocats, à la suite de son Assemblée Générale du 24 septembre 2024.

Plusieurs propositions avaient été faites, et notamment :

  • Possibilité d'anonymisation des données sensibles
  • Transmission de données agrégées plutôt que détaillées
  • Mise en place de systèmes de chiffrement spécifiques
  • Création d'une plateforme souveraine dédiée à la profession qui permettrait d’éviter un croisement de données et de s’assurer d’un cryptage suffisant des données de facturation
  • Limitation des obligations des avocats au seul e-reporting avec neutralisation des informations clients transmises.

Pour les cabinets ne travaillant que pour les entreprises, une solution pourrait être trouvée, en transmettant une copie PDF anonymisée de nos factures, même s’il est aisé d’anticiper des blocages au moment de l'entrée de ces données dans le logiciel.

Mais qu’en est-il pour les autres ?

La question s’est posée chez nous, puisque nous ne travaillons pas qu’avec des entreprises assujetties établies en France. Comment s’assurer de se conformer à nos principes déontologiques lorsque la législation européenne nous demande de divulguer des informations précises des interventions réalisées ?

En effet, vous le savez peut-être, mais lorsqu’un cabinet d’avocats fait l’objet d’un contrôle, le secret professionnel impose que certaines informations soient protégées : identification de notre client, description des diligences accomplies, etc. En général, ces informations sont simplement noircies.

Mais comment « noircir » des données automatiquement transmises par nos logiciels ?

Peut-on légitimement refuser de se conformer à ces nouvelles obligations en maintenant notre fonctionnement classique ? Peut-on interdire à nos prestataires de le faire, alors que leur propre responsabilité peut être mise en jeu ?  

En attendant que le CNB ne puisse avancer dans ses discussions, voici quelques pistes à explorer selon votre sensibilité et vos usages avec vos clients : transmettre le détail des diligences dans un document à part de nos factures, obtenir l’accord de nos clients sur la levée du secret professionnel quant au respect de nos futures obligations, etc..

Si vous souhaitez vous informer plus précisément sur les obligations applicables en matière de facturation électronique, je vous invite à aller consulter :

{{auteurs}}

Guide : La facturation électronique dans les cabinets d'avocats
Emmeline Bocherel
Emmeline Bocherel
Avocate dirigeante
Tax Suits You

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