Le recrutement d’un collaborateur peut avoir deux buts qui se confondent parfois :
- Palier à une surcharge d'activité que l'avocat ne peut plus assumer seul
- Intégrer un nouvel avocat à son cabinet afin, à terme, de l'associer à la structure ou de lui transmettre sa clientèle
Quel que soit l’objectif recherché, il est très important d’une part de bien réaliser son recrutement et d’autre part de fidéliser le collaborateur recruté.
Cela a été évoqué au cours d'un précédent article, le marché des collaborateurs connait actuellement une véritable crise. La très grande souplesse du statut de collaborateur libéral a en effet permis à certains cabinets d’abuser des jeunes avocats ainsi recrutés : rétrocession minimum, empêchement de développer sa clientèle personnelle, volumes horaires très conséquents etc… Ces situations étaient clairement intenables. Il était impossible pour un jeune avocat de faire face aux charges de sa vie personnelle avec le simple montant de sa rétrocession sans qu’il puisse la compléter par un revenu provenant de sa clientèle personnelle. De nombreux jeunes avocats, dégoutés par ces conditions de travail, ont fait le choix, après 7 années d’étude, d’abandonner purement et simplement la profession.
Pendant un temps, il était quasiment impensable d’imaginer poser sa plaque dès la sortie de l’école sans passer par une période de collaboration plus ou moins longue. Aussi, chaque année, des centaines de jeunes avocats prêtaient serment et se mettaient en quête d’un contrat de collaboration. Les cabinets n’avaient alors aucune difficulté à recruter. Beaucoup de demandes pour des offres moins nombreuses. Les cabinets recruteurs pouvaient alors se permettre de proposer des rétrocessions basses et des conditions de travail très critiquables. Aujourd’hui, la donne a clairement changé. Il semblerait que le message véhiculé au sein des CRFP soit que l’installation dès la sortie de l’école est parfaitement possible et que si le jeune avocat opte pour une collaboration, il doit poser clairement ses conditions d’exercice au sein de son cabinet d’accueil. La demande de collaboration est désormais beaucoup moins importante de sorte que les cabinets recruteurs sont davantage contraints à accepter les conditions revendiquées par les jeunes diplômés.
Dans ce contexte, les campagnes de recrutement doivent être menées en tenant compte de ce nouveau paysage de la profession.
A mon sens, les collaborateurs ne sont plus enclins à accepter le tarif minimum en vigueur au sein de chaque Barreau. L’avocat recruteur doit en avoir conscience et proposer un montant de rétrocession d’honoraires en adéquation avec le travail qu’il entend faire accomplir à son collaborateur sous peine de voir le candidat pressenti préférer un autre cabinet.
Si le cabinet recruteur dispose d’un budget limité afin de recruter un collaborateur, il est tout à fait possible de convaincre le candidat de rejoindre l’équipe en avançant d’autres avantages : nombre de semaines de vacances, intéressement sur les dossiers, promesse d’association future.
L’idée étant de motiver le candidat à intégrer la structure, il ne faut pas hésiter à évoquer également l’image de marque du cabinet, la qualité de la formation, le carnet d’adresses à partager…
Une fois le jeune avocat recruté, il convient de faire en sorte de le fidéliser afin qu’il reste au cabinet.
En effet, lorsqu’on recrute un collaborateur et qu’on entreprend à son profit un véritable travail de formation, il est bien entendu intéressant qu’il reste un temps certain au sein de la structure afin que l’investissement en terme de temps et d’argent soit rentabilisé. Cela est d’autant plus vrai lorsque cette collaboration est envisagée comme préliminaire à une association.
Cette fidélisation peut être envisagée sur le volet financier comme sur celui de l'intégration au sein du cabinet. Il convient donc de commencer par offrir une rétrocession de base d’un montant correct qui permettra au collaborateur d’assumer ses charges personnelles.
Si on se place du point de vue du collaborateur, il est bien entendu toujours apprécié et appréciable que le montant de la rétrocession évolue au fil du temps et de l’ancienneté au sein de la structure. Pour ce faire, il peut par exemple être intéressant de mettre en place un système de réunion annuelle ou bi-annuelle afin de faire le point sur l’évolution de la collaboration, sur l’implication au sein du cabinet et dans les dossiers, sur les attentes de l’avocat associé et bien entendu, sur le montant de la rémunération. A mon sens, ce système permet de mettre en place un véritable dialogue régulier entre l’avocat associé et son collaborateur ce qui est bénéfique à bien des égards. En effet, pris dans le tourbillon des dossiers, des audiences et des rendez-vous clients, il est parfois assez difficile de trouver du temps afin d’évoquer les conditions de travail, le bien être au cabinet et les potentielles évolutions du contrat de collaboration. Aussi, s’astreindre à poser régulièrement un vrai temps de discussion permet de détecter et désamorcer d’éventuelles problématiques, de remotiver son collaborateur, de poser à nouveau le cadre du contrat en cas de difficulté etc. Un dialogue constructif et régulier est selon moi la base d’une relation de travail saine et pérenne.
Afin de fidéliser son collaborateur et le motiver quant à son implication dans les dossiers, il peut également être envisagé de mettre en place un système de rémunération via un intéressement sur les dossiers. Sur ce point aucune règle, tout peut être imaginé entre l’avocat associé et le collaborateur. Il peut par exemple être prévu que le collaborateur se verra rétrocéder un pourcentage du montant des honoraires facturés ou encaissés pour le compte du cabinet. Cette solution a pour avantage de motiver le collaborateur à s’investir dans les dossiers du cabinet et à facturer au plus juste et le plus régulièrement possible les clients.
Il est certain que le caractère pérenne d’un contrat de collaboration ne repose pas que sur une question financière. De plus en plus, les collaborateurs sont très attachés aux conditions de travail. Aussi, il est primordial de s’attacher à créer une véritable « vie de cabinet » au sein de laquelle chaque membre pourra s’épanouir, quelle que soit la taille de son cabinet.
Cela passe déjà et avant tout par des relations quotidiennes basées sur le respect mutuel et autant que faire ce peut, la bonne humeur. L’avocat passe beaucoup de temps au cabinet, autant qu’il s’y présente le matin le cœur léger et non avec un boulet au pied…
Il est également possible d'organiser régulièrement de petits évènements afin d’instituer un véritable esprit d’équipe : célébration des anniversaires, repas de Noël, repas d’été etc…
Par ailleurs il me semble indispensable, notamment lorsque l’idée finale est que son collaborateur intègre la structure en qualité d’associé, de le présenter à son réseau, de l’associer aux réunions et/ou formations que l’on peut suivre, de le convier aux évènements que l’on organise ou auxquels on est soi-même invité. En agissant ainsi, l’avocat associé va valoriser son collaborateur, lui démontrer qu’il souhaite lui faire partager les relations qui sont les siennes et ainsi motiver son implication au sein du cabinet. Rien n’est plus désagréable en tant que collaborateur que de constater qu’un cocktail est organisé par un des membres du cabinet et de ne pas y être convié. Très clairement, ce type d’agissement démotiverait le plus impliqué des collaborateurs.
Par ailleurs, d’autres avantages en nature peuvent être offerts aux collaborateurs afin de les motiver à rester au sein du cabinet tels que des semaines de vacances supplémentaires, un emplacement de parking, le financement de formations etc…
Proposer des outils de travail performants peut également être un facteur de fidélisation. Un logiciel rapide à prendre en main facilitera l'intégration des collaborateurs, accélérera leur prise en main des dossiers et les rendront plus efficace et donc rentables, plus rapidement.
En résumé, il est très clair qu’à l’heure actuelle, le recrutement d’un collaborateur est un véritable défi. Lorsque que la campagne de recrutement permet d’aboutir sur l’embauche d’un jeune avocat et que ce dernier fourni un travail satisfaisant et rentable pour la structure, il est très important de faire en sorte de déployer des stratégies afin qu’il reste au sein du cabinet. Cette campagne de fidélisation passe par plusieurs biais à savoir l’attrait financier évidement mais également la fourniture d’avantages en nature et l’offre de conditions de travail satisfaisantes au quotidien.
Comme j’ai déjà pu l’indiquer, mes nombreuses années en tant que collaboratrice me font dire qu’une collaboration réussie passe par une relation de confiance et de respect mutuel entre l’associé et son collaborateur. Une rémunération correcte et évolutive, une implication dans les dossiers de la part du collaborateur et une liberté laissée par l’associé au collaborateur afin de développer son activité sont les clés d’une relation qui pourra durer dans le temps.
Justine Bachelet -Avocate au Barreau de Versailles
Pour approfondir les questions soulevées et les pistes de réflexion évoquées, redécouvrez notre Webinar du 7 avril 2023 : "Recrutement et fidélisation des avocats collaborateurs"