Jessica Lacombe est auteur du Guide de Survie des Jeunes Avocats qui compile l'ensemble des démarches à accomplir pour bien débuter dans la profession d'avocat, créer son cabinet et développer sa clientèle. A la suite de son intervention lors du webinar Septeo Avocats du 16 février sur la création de cabinet d'avocats, elle a tenu à revenir sur les questions posées par les participants n'ayant pas été traitées faute de temps.
L'aventure entrepreneuriale de la création d'un cabinet d'avocat représente une étape décisive dans la carrière d'un avocat. Cette démarche nécessite une préparation minutieuse ainsi qu'une bonne compréhension des défis qui jalonnent ce parcours et des questions qu'il convient de se poser :
Le webinar du 16 février 2024 dédié aux avocats envisageant de se lancer dans cette aventure a offert un cadre d'échange et de partage d'expériences enrichissant. Cette session nous a permis à Me Jonathan Carl, avocat au barreau de Strasbourg et associé fondateur du cabinet Syncrone Avocats et à moi-même de partager nos expériences et nos conseils et de répondre aux questions posées par les participants, avides de conseils pour naviguer avec succès dans les eaux parfois tumultueuses de l'installation en libéral.
Ce dialogue a mis en lumière les multiples facettes de l'installation d'un cabinet, abordant des thèmes variés allant de la gestion financière et administrative à la stratégie de développement de clientèle, en passant par les aspects technologiques et de cybersécurité. Les questions soulevées lors de ce webinar reflètent les préoccupations majeures des jeunes avocats à l'aube de leur indépendance professionnelle.
"Bonjour, je suis collaboratrice. Je développe de plus en plus ma clientèle perso et souhaite m'installer à mon compte. J'ai toutefois un projet d'achat immobilier et je crains que la banque ne veuille pas me prêter si je suis à mon compte depuis moins de deux ans (moins de deux bilans...). Qu'en pensez-vous ? Est-ce que l'installation constitue réellement un frein pour contracter un prêt personnel à côté ?"
A la suite de l'obtention du CRFPA, j’avais prévu de constituer une trésorerie dans l'optique d'un achat immobilier. J'ai finalement réinvesti cette somme dans la trésorerie de mon entreprise individuelle, pensant ne pouvoir contracter de prêt avant au moins 3 ans d’exercice soit 3bilans – et si possible de bons bilans – et… j’avais tort. Sans être banquière et dans la limite de mes connaissances, je peux vous affirmer que de très nombreux confrères autour de moi ont pu contracter avec leur banque même en l’absence des 3 bilans. Tout dépend en réalité de votre situation personnelle, de la somme que vous souhaitez emprunter ainsi que de quelques autres facteurs (liste non exhaustive) :
Je vous conseille également d'en discuter ouvertement avec un conseiller bancaire, en privilégiant si possible des banques habituées à travailler avec des professionnels libéraux.
"Vous avez dit faire plus d'heures qu'en collaboration, vous en faisiez combien avant ? Et maintenant ?"
Le caractère libéral de notre profession rend la question des heures difficile à généraliser puisque nous sommes (en général) maîtres de notre emploi du temps et de notre rythme de travail. Ces sujets sont également dépendants du domaine du droit dans lequel nous exerçons et des types de dossiers qui nous occupent. Pour ma part, j’exerce dans le domaine du droit Pénal et du droit de la Famille, je me dois d’être disponible quasiment 7j/7 avec des horaires tardifs dans les cas d’audiences pénales ou d’urgences.
Un éminent confrère m’avait indiqué – à juste titre – qu’en droit pénal nous travaillons tous les jours car le client habituel a besoin de nous en tout état de cause : si vous n’êtes pas présent le jour où il est engarde à vue, ou de son audience, il partira. Cet état de fait professionnel peut être parfaitement différent d'un avocat à un autre, comparaison-déparaison. Toutefois, je peux estimer que la part concernant l’administratif et la prospection correspond au moins à 20% à 30% de mon temps de travail, inégalement réparti du lundi au dimanche.
"Je me rends compte effectivement que l'installation est chronophage. J'ai eu la chance d'avoir des conseils qui sont similaires à ceux que vous donnez. En revanche je n'ai pas encore investi dans un logiciel de gestion. Quand on est seule l'administratif est lourd."
Je pense qu'un logiciel de gestion est un indispensable. Il représente une charge incompressible conséquente mais les bénéfices apportés valent l'investissement à coup sûr :
Cette liste n'est pas exhaustive mais elle répond aux tâches les plus chronophages, mais nécessaires, au fonctionnement d'un cabinet.
N'hésitez pas à réaliser plusieurs demandes auprès de différents éditeurs, notamment Septeo Avocats, afin d'évaluer ce que ces outils peuvent vous apporter. Je ne connais pas de confrères qui, une fois équipés, se sont déséquipés pour revenir à un exercice sans logiciel.
C'est également l'occasion d'aborder les questions de cybersécurité. Les techniques de piratages, hameçonnage, rançongiciel ou ransomware se développent très rapidement ; ces outils de gestion sont également des solutions sécurisées qui facilitent la conservation, l'intégrité et l'inviolabilité des données de votre cabinet.
Sans être le sujet central de cette question, j’invite véritablement l’ensemble des confrères et consœurs à se sensibiliser aux questions de protection des données qui peuvent facilement engager leur responsabilité civile !
"J'ai (...) des difficultés par rapport à la facturation. Avez-vous des tips à me donner ?"
Concernant la facturation, je peux donner deux conseils :
Trouver le juste prix revient à se questionner sur les tarifs pratiqués au sein du cabinet non pas en fonction des tarifs pratiqués par les confrères et concurrents mais bien en fonction du dossier, de la matière, de son éventuelle spécialisation (éventuelle) mais surtout des besoins de rentabilité de l’entreprise. Il ne faut pas fixer ses honoraires qu’uniquement par mimétisme, même si c’est une donnée indicative intéressante.
Par exemple, avec un taux horaire de 100 € auquel on applique les charges habituelles calculées à 40% des revenus, on se retrouve avec un taux horaire véritable de 60€.
En prenant en compte les charges fixes d'un cabinet, entre le loyer, l'électricité, les abonnements divers etc, les frais se montent à 70€ de l'heure, on perd alors de l'argent en travaillant.
Il s'agit donc de trouver le point d'équilibre entre les honoraires perçus et les charges incompressibles puis fixer ses honoraires en fonction de son positionnement, de son expertise, de son expérience etc.
La même logique s'applique avec la facturation au forfait ou à l'abonnement, rapportée aux nombre d'heures comprises dans l'abonnement ou estimées dans le forfait.
La question du bon moment pour facturer est également une préoccupation partagée par nombre de jeunes avocats. Pour éviter les situations embarrassantes, le plus efficace reste de s'astreindre, quel que soit son mode de facturation, à réaliser des provisions, à délivrer des factures et à relancer les factures impayées.
Soyez pédagogue lorsque vous communiquez vos honoraires : expliquez les montants, les diligences, les avantages de la procédure proposée, mettez en valeur vos compétences et détaillez ce que comprend votre forfait et les limites des diligences qu'il inclue.
Pour un fonctionnement au temps passé, la régularité de la facturation est primordiale, aussi bien pour la gestion de votre cabinet que pour la visibilité du client sur les honoraires qu'il vous doit. L’édition de notes de provision, de factures régulières et des relances reste toutefois une charge administrative importante qui est largement facilitée par l'utilisation d'un logiciel de facturation.
"Doit-on mettre les tarifs sur le site internet du cabinet ?"
Réponse : La transparence des honoraires est essentielle, dans le respect des obligations déontologiques. Il est conseillé de :
Le Vademecum réalisé par le Barreau de Paris permet de répondre à votre question. Vous pouvez le retrouver via ce lien pour plus de précision :
https://www.avocatparis.org/system/files/editos/vademecum_communication_publicite_decembre_2020.pdf
Quelques précisions néanmoins. Il me semble opportun d'afficher à minima une publicité sur le site internet pour le 1er rendez-vous. Pour éviter toute contestation du client qui aurait pu penser ce premier entretien gratuit, quand bien même vous auriez affiché les montants de vos honoraires dans votre cabinet.
Attention également si vous proposez une première consultation gratuite de ne pas en faire la publicité. Quand bien même l'avocat est libre de fixer ses honoraires comme il l'entend, voire y renoncer purement et simplement, publier une telle proposition est susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale. Même chose si vous proposez un étalement des règlements en plusieurs échéances, il est important de rappeler l'interdiction de proposer d'encaisser des chèques successifs, contrevenant aux articles L.131-31 et L.131-32 du Code Monétaire et Financier.
Pour le reste, le choix vous appartient, une fois de plus, dans le respect des règles de déontologie de notre métier.
"Sur mon site j'ai mis juste un formulaire de contact. Dois-je ajouter mon numéro étant précisé c'est un numéro de portable ?"
Proposer plusieurs canaux de communication à ses clients et prospects permet de limiter les freins à la prise de contact.
Il faut néanmoins rester prudent quant à l'affichage des informations de contact sur le site Internet de votre cabinet. Vous pouvez naturellement afficher le numéro de téléphone de votre standard, si vous en avez un. Si vous ne disposez que de votre téléphone portable, l'afficher peut vous fait prendre le risque de vous voir sollicité à tort et à travers, et pas toujours de façon pertinente.
Certains opérateurs permettent l'utilisation d'un numéro de téléphone virtuel (sans double carte SIM), la bascule entre votre ligne personnelle et votre ligne professionnelle se faisant ensuite via une application, évitant ainsi une souscription à un second forfait et l'achat d'un second téléphone.
Ce webinar sur la création de cabinets d'avocats a couvert des sujets essentiels pour les jeunes avocats, allant de la gestion de ses finances à la communication en passant par la gestion et la facturation de son temps et l'usage des logiciels de gestion. Les discussions ont mis en avant l'importance de se préparer, de planifier stratégiquement et d'adopter une perspective entrepreneuriale pour naviguer dans les défis de la création d'un cabinet d'avocats.
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Vous souhaitez en savoir plus sur les étapes importantes de la création d'un cabinet d'avocats ? Découvrez le replay de notre webinar du 16 février 2024 : 3 étapes clés pour la création de votre cabinet d'avocat"