Au cours des 150 dernières années, de nombreuses nouvelles technologies ont vues le jour avec pour but principal de simplifier la vies des hommes et des femmes dans l'accomplissement de tâches répétitives et à faible valeur ajoutée, allant même jusqu'à les remplacer complètement, libérant au passage des quantités considérables de temps qui pouvait alors être consacré à des tâches cognitives et créatrices.
Dans les années 90, les prémices de l'intelligence artificielle ont vu le jour sous la forme de "systèmes experts" dans lesquels tous les cas de figure et toutes les questions possibles étaient codées manuellement par des programmeurs travaillant avec des experts métiers. La machine pouvait alors reproduire un comportement humain, tant que ce dernier était connu et avait été codé. Le taux de réussite de l'IA était alors de 100% mais les limites de ces systèmes experts ont vite été atteintes tant il était impossible d'implémenter toutes les règles régissant un comportement humain dans de nombreuses situations.
Depuis quelques années, les avancées des technologies informatiques et les investissements massifs de grandes entreprises ont permis de passer à un nouveau modèle basé sur une nouvelle approche appelée deep learning (apprentissage profond) qui demande à la machine d'extraire elle-même, grâce à un réseau neuronal, les règles à appliquer à partir de quantités astronomiques d'exemples et de contre exemples, imitant ainsi le fonctionnement d'un cerveau humain. Nous n'avons plus besoins de comprendre et de coder les règles comme dans les systèmes experts, il "suffit" de former un modèle. Les performances de ces modèles sont bien meilleures : la portée des règles est plus large et les réponses plus précises, cette précision dépendant directement de la quantité de données fournies.
Cette approche de deep learning nous donne aujourd'hui accès à la vision par ordinateur et au traitement du langage naturel (NLP ou Naturel Language Processing)
Ces algorithmes d'intelligence artificielle ont été créés il y a plus de 30 ans mais les capacités à récolter des quantités suffisantes de données, à les stocker et à mobiliser des puissances de calcul suffisantes faisaient défaut pour une mise en application concrète et pratique à un prix décent.
Ces barrières sont aujourd'hui tombées et l'IA commence à avoir un impact sur nos vies quotidiennes, accélérant nos processus de création, de production et nos capacités cognitives.
Nous entrons maintenant dans une nouvelle ère où l'objectif est désormais d'augmenter les capacités cognitives en "apportant des données précompilées aux utilisateurs"" : l'IA peut lire un document, prédigérer ses informations, en extraire les données pertinentes pour proposer un plan d'action.
A ce stade, nous maintenons le concept d'"humain dans la boucle" comme incontournable pour nous permettre de relever certains défis :
Mais les choses évoluent rapidement et on voit déjà apparaître des initiatives telles que la mise en œuvre de modèles de langages sécurisés ou spécialisés et l'auto affinement des résultats par l'IA.
Le parlement européen définit l'intelligence artificielle comme "tout outil qui est utilisé par une machine afin de reproduire des comportements qui sont liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification ou la créativité".
Et c'est au niveau européen que des premiers efforts juridiques ont été fournis pour répondre au problème des biais de l’intelligence artificielle avec l'IA Act, un règlement européen sur le même modèle que le RGPD qui se concentre sur les systèmes d'intelligence artificielle à haut risque.
Le projet de règlement ne prévoit pour le moment qu'un régime de transparence pour les systèmes d'IA d'hypertrucage (deepfakes) où des contenus pouvant être perçus comme authentiques sont en réalité générés ou manipulés artificiellement.
Aujourd’hui on veut mettre des gardes fous et réguler pour prôner une intelligence artificielle responsable, éthique et transparente.
Il est essentiel que les robots et/ou logiciels d’apprentissage automatique basés sur l’IA soient développés de manière à préserver la sécurité des données privées des parties impliquées. Étant donné que l’apprentissage automatique fonctionne sur une énorme quantité de données, il devient d’autant plus essentiel que le cadre juridique offre une protection contre l’utilisation abusive des données.
Concernant la transparence et l’intelligibilité des algorithmes, plusieurs initiatives et cadres règlementaires veulent contraindre à intégrer dans le code source une déontologie et une charte éthique afin d’apporter plus de transparence sur le volet de la responsabilité, protégeant ainsi le client final des effets indésirables d’une solution utilisant de l’intelligence artificielle.
Dans une étude publiée le 30 août 2022, le Conseil d’État propose une approche ambitieuse et au service de la performance publique afin de poser les bases d’une stratégie française pour l’IA. Il encourage entre autres à renforcer les pouvoirs de la CNIL et à faire évoluer son rôle pour qu'elle devienne l’autorité de contrôle nationale responsable de la régulation des systèmes d’intelligence artificielle prévue par le futur règlement européen.
Dans le cadre de la loi République Numérique de 2016, les administrations françaises ont mis en place des procédures d'automatisation de l'ouverture des données publiques avec un calendrier bien précis. Pour certains documents nombreux et volumineux, le recours à l’IA a été une étape préalable pour la pseudonymisation.
Après l’utilisation de l’intelligence artificielle pour faciliter la publication en open data des décisions de justice, la Cour de cassation poursuit ses explorations pour détecter les divergences de jurisprudences entre les différents tribunaux et ainsi vérifier si la justice rendue est la même pour tous. Elle a fait appel aux experts scientifiques du Lab IA, rattaché à Etalab au sein de la Direction Interministérielle du Numérique (Dinum) pour l'aider à identifier, parmi les décisions que rendent ses six chambres, des interprétations contradictoires d’une même question juridique ou d’une même loi en analysant des centaines de milliers de décisions et détecter l’intégralité des divergences.
On l'a vu, le système juridique et judiciaire est d'ores et déjà impacté par l'IA et des solutions sont développées pour faciliter l'approche des fonctions propres à chacun.
L’IA en droit se caractérise par l’utilisation combinée :
Ce qui signifie qu'en droit, les systèmes basés sur l'IA sont en fait des moteurs de recherche de nouvelle génération qui n'apportent de réels bénéfices que s'ils sont intégrés de manière native et transparente aux outils déjà utilisés par les professionnels du droit et qu'ils répondent à des problématiques métiers bien précises.
Pour le secteur juridique dans son ensemble, l'intelligence artificielle connait une utilité accrue dans son application grâce aux développements et à l'amélioration des capacités des réseaux neuronaux qui les font fonctionner. Ce marché est segmenté :
La gestion des processus assistée par l'IA est de plus en plus adoptée dans le secteur juridique. Un département juridique peut ainsi consacrer jusqu'à 50% de son temps à examiner des contrats parfois aussi élémentaires que des accords de non-divulgation, créant un goulot d'étranglement évitable.
L’automatisation de l'analyse et de la gestion des contrats améliore la capacité d’un cabinet à finaliser les accords dont il a la charge, améliore ses relations avec ses clients et a un impact sur de nombreux autres domaines de son organisation, libérant son temps et ses ressources pour réaliser une valeur tangible.
De même, la non-conformité aux réglementations croissantes (RGPD…) devient de plus en plus coûteuse en matière de protection des données. La Jurimétrie et les modélisations statistiques sur des projections issues de contentieux devraient connaître un taux de croissance significatif.
La prédiction du jugement judiciaire est un vieux sujet, dans la théorie comme dans la pratique pour améliorer la cohérence judiciaire. Diverses méthodes ont progressivement émergé, allant des modèles informatiques simples pour prédire les décisions judiciaires, aux algorithmes d’analyse avancés.
Est-ce que l’intelligence artificielle manipule des syllogismes, des raisonnements, est-ce qu’elle délivre une vision et bâtit une stratégie ? Non. l’IA restitue, argumente, contextualise et modélise.
Est-ce que l’intelligence artificielle adoptera la déontologie propre à l’avocat et à son secret professionnel ? Est-ce que l’intelligence artificielle prêtera serment d’exercer avec probité, dignité ? Peut-être. Avec indépendance, humanité et conscience ? Sûrement pas.
L’intelligence artificielle est un instrument de compétitivité au service du cabinet. Elle va permettre d’améliorer les performances des avocats en améliorant leur productivité et en valorisant les données du cabinet ainsi que son capital immatériel tout en stimulant positivement sa croissance. Elle permettra également de contribuer à une meilleure attractivité de la profession.
Quelques exemples pour étayer ces propos.
On peut automatiser la gestion des temps par typologie de dossiers pour adapter au mieux sa facturation, son offre de services et la faire évoluer.
On peut également évaluer par similarité la charge de travail et sa capacité d’absorber un flux de dossiers. On peut donc traiter le volume de dossiers entrant en facturant au plus juste. Cette meilleure maîtrise des coûts va induire une meilleure visibilité et une meilleure lisibilité sur les honoraires pratiqués avec une dimension de prévisibilité et de planification de budget qui sera bénéfique pour l'avocat autant que pour ses clients.
Les créations de dossiers sont chronophages. En analysant et en procédant à une extraction d’entités nommées dans un document (assignation, contrat…) on peut automatiser la création des dossiers et réduire le risque d'erreurs inhérent à une saisie manuelle des données.
Pour les IA génératives type Chat GPT (qui utilisent des contenus existants au service de leur apprentissage pour en générer de nouveaux), elles peuvent servir à générer des textes, des sons, des images en se basant sur des modèles stockés dans une base de données. Dans les cabinets d'avocats, ce type d'intelligence artificielle peut servir à :
Une enquête récente réalisée par Septeo auprès d'avocats révèle que seulement 36 % des avocats interrogés intégraient déjà de l'intelligence artificielle à leurs process. Nombre d'entre eux sont d'ailleurs encore sceptiques quant à la réelle utilité de ces systèmes. Mais la réalité est qu'ils sont déjà là, partout autour de nous. Aussi, face à ce tsunami, il n'y a que deux réactions possibles : construire une grande digue et essayer de se mettre à l'abris ou bien cirer sa planche de surf et prendre la vague.
Découvrez le premier numéro de Brain, le magazine de Septeo dédié à l'intelligence artificielle, ses usages et les révolutions qu'elle provoque.
Découvrez comment l'IA intégrée au logiciel de gestion néo décuple les performances de votre cabinet d‘avocats