Les statuts d’une société organisent entre autres les relations entre les associés, depuis leur vote aux assemblées jusqu’aux conditions d’entrée et de sortie de la société. Il est possible d’y insérer une clause d’agrément de nouveaux associés, mais les conséquences du refus d’agrément ne sont pas à négliger.
Dans une affaire examinée par la Cour de cassation, les associés d’une société ont, en application d’une clause statutaire d’agrément, refusé d’agréer comme nouvelles associées des détentrices de parts sociales héritées de leur père. Les associés ont saisi le tribunal de commerce afin que soit désigné un expert pour déterminer la valeur de leurs droits sociaux, en vertu de l’article 1843-4 du Code civil.
L’expert a estimé la valeur des droits à 5 905 200 euros. Les associés n’ayant pas acquis ou fait acquérir les parts en question dans le délai prévu à l’article L.223-14 du Code de commerce, les héritières ont assigné les associés en rachat forcé de leurs parts. Un protocole transactionnel est intervenu entre les différentes parties. Aux termes de ce protocole, les héritières reconnaissaient avoir été agréées en qualité d’associées de la société et s’engageaient à renoncer à toute action ou contestation relative à cette qualité, dès lors que les autres signataires du protocole respectaient les engagements pris.
Des années plus tard, soutenant que les associés n’avaient pas respecté les engagements du protocole transactionnel, les héritières s’estimèrent titulaires d’une créance au titre du rachat de leurs parts sociales.
Elles ont alors saisi le juge de l’exécution qui les a autorisées par ordonnances à pratiquer des saisies conservatoires au préjudice des associés et de la société. Ceux-ci ont en retour assigné les héritières en rétractation desdites ordonnances.
C’est dans ce contexte que la Cour de cassation rappelle des règles claires, faisant fi des différents événements intervenus après le refus d’agrément des héritières.
Basant sa décision sur les articles L.223-13 et L.223-14, alinéa 3 du Code de commerce, et 1843-4 du Code civil (dans sa rédaction issue de la loi du n°78-9 du 4 janvier 1978, applicable au litige), la Cour explique simplement que les statuts d’une société à responsabilité à limitée peuvent parfaitement prévoir une clause d’agrément des héritiers d’un associé décédé. En cas de refus d’agrément, et à défaut d’accord intervenu dans les délais impartis, l’agrément est réputé acquis. Si l’agrément est effectivement refusé, l’héritier a droit d’obtenir la valeur des droits sociaux. La société peut alors céder lesdits droits pour en verser le prix aux associés. Si elle s’y refuse, les associés sont tenus dans un délai de trois mois d’acquérir ou de faire acquérir les parts. Enfin, en cas de contestation , la valeur des droits sociaux est déterminée par un expert désigné d’un commun accord des parties ou par ordonnance du Président du tribunal.
En l’espèce, les associés survivants ont refusé d'agréer les héritières et ont demandé en justice la désignation d'un expert pour que soit déterminée la valeur de leurs parts sociales. Lesdits associés sont donc, à l'issue du délai légal, tenus d'acquérir ou de faire acquérir ces parts au prix fixé par l'expert si l'héritier a renoncé à sa demande d'agrément (L. 223-14, al.3 du Code de commerce.)
Par cette décision la Cour de cassation oblige les sociétés à être cohérentes : libre à elles de prévoir une clause d’agrément, à condition d’en assumer les conséquences, que les associés soient ou non agréés.
Source : Cass. com., 24 janvier 2024, n°21-25.416
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