Le Pacte Dutreil a connu de nombreuses évolutions ces derniers mois. Les plus marquantes méritent une rétrospective à l’heure où la loi de finances 2024 propose une nouvelle fois d’aménager ce dispositif.
Avant tout propos, il convient de revenir sur les grands principes qui ont fait le Dutreil.
Le dispositif a été créé en 2003 dans l’optique de faciliter la transmission d’une entreprise familiale par donation ou succession. Il permet de bénéficier d’une importante exonération sur les droits de mutations à titres gratuits (DMTG), à savoir un abattement de 75 % de la valeur des titres de l’entreprise transmise.
Afin d’être éligible à l’avantage fiscal, quatre conditions cumulatives sont nécessaires :
Au cours du premier semestre de l’année, une série de décisions concernant l’articulation entre pacte Dutreil et holding animatrice, ont été rendues par la Cour de cassation :
La justice incite ainsi à la plus grande rigueur. En amont de l’opération de transmission, la preuve des actes d’animation doit être aménagée.
D’autant que la holding est un sujet régulièrement amené devant les tribunaux. L’an dernier, en mai 2022 (4), la Haute juridiction avait déjà été appelée à se positionner et avait alors favorablement tranché que la perte de la qualité de holding animatrice ne remettait pas en cause le bénéfice de l’exonération.
La loi de finances pour 2024 avalise ces critères jurisprudentiels. Les sociétés holding animatrices bénéficieront, de façon très officielle, du régime Dutreil si leur activité principale est « la participation active à la conduite de la politique de leur groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et auxquelles elles rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».
Les locations de locaux meublés et équipés ont également connu des bouleversements majeurs dans leur rapport au Dutreil, aujourd’hui clôturés par la publication de la nouvelle loi de finances. Pour rappel, en juin, par deux arrêts (5), la Cour de cassation considérait la location d’établissements commerciaux ou industriels équipés comme une activité commerciale. Elle devenait, dès lors, susceptible d’entrer dans le champ d’application du dispositif duquel elle était jusque-là écartée par la doctrine administrative.
Cette conclusion inspirait, dès septembre, le Conseil d’Etat (6) qui retenait alors une approche strictement fiscale. La location de locaux d'habitation garnis de meubles ne pouvait systématiquement être traitée comme une activité civile dépourvue de caractère commercial si elle était exercée à titre habituel.
Le gouvernement ne tarda pas à réagir à ces remises en cause successives de la doctrine administrative en proposant un amendement au projet de loi de finances pour 2024. Aujourd’hui adopté, il exclut expressément du champ d’application du Pacte Dutreil les activités de gestion, par une société, de son propre patrimoine mobilier ou immobilier, scellant ainsi définitivement le sort des locations meublées et équipées.
Retrouvez notre Juriminute, saison 5, épisode 1, sur ce sujet très en vogue en compagnie de Maître Clément DUBOST, notaire à LANGON (vidéo tournée avant le projet de loi de finances pour 2024).
(1) Cass. com. 25 janvier 2023, n°20.23-137
(2) Cass. com. 15 mars 2023, n°21.10-244
(3) Cass. com. 11 mai 2023, n°21-16924
(4) Cass. com. 25 mai 2022, n°19-25.513
(5) Cass. com. 1er juin 2023, n°22-15152 & Cass. com. 21 juin 2023, n°21-18226
(6) CE 29 septembre 2023, n°473972